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TOROS textes et nouvelles de Jacques Lanfranchi
16 novembre 2018

QUERENCIA....

vache-et-veau

 

QUERENCIA





Dans le vocabulaire taurin et le sabir des aficionados, les deux termes qui viennent souvent imager la conversation sont : suerte et querencia.

La querencia au-delà du célèbre club taurin parisien éponyme d’essence torista que nous saluons au passage, exprime un ensemble de situations topographiques dans l’arène prises par le toro.

Dans l’expression littéraire « querencia » nomme un endroit privilégié : «Fulano a pris querencia dans le bar El Colòn ». Un attrait une prédilection.

Mais il existe une autre définition : tendance instinctive de certains animaux à revenir en un lieu où ils ont leurs habitudes, c’est le principe du point d’appui.

Nous connaissons tous cette stratégie, quand dans une soirée où l’on connaît peu de monde, de chercher un point d’appui soit une connaissance, soit un groupe de connaissances, soit un lieu précis : le buffet par exemple.

L’attirance vers ce point d’appui choisi se désigne par l’expression, tenir « querencia  por », suivi de la désignation du lieu : « Mengano a pris querencia dans le Midi ».

Pour l’homme, souvent la première querencia est le retour vers la main de la mère !

Dans le cadre de la lidia, la connaissance des querencias est absolument capitale pour le combat, la difficulté est de les apprécier car elle change en fonction du type de la bête et du type d’arènes.

Chicuelo, le grand torero racontait qu’à Arles les arènes déterminent trois querencias naturelles, le toril, l’arrastre et l’ombre de la Tour sarrasine, ce qui devait justifier une indispensable augmentation du cachet à ses yeux.

La théorie des terrains de Claude Popelin prend en compte les inclinaisons et les points d’appui. Les « medios » pour le toro et son inclinaison vers le centre, les « tablas » pour l’homme qui affirmera son dominio sur le toro en avançant vers le centre.

Bien sûr, en fonction des paramètres de la lidia, les terrains changent, se réduisent, augmentent, voire s’inversent, mais le toro aura «  un besoin instinctif de sentir la voie vers ce point libre de toute interception » (1). D’où l’intérêt premier des passes en rond qui font perdre les repères de querencia au toro, plus qu’un problème d’esthétique.

La notion de querencia dans l’arène, situation artificielle pour l’animal va se retrouver également au campo.

Dans les tientas à campo abierto, l’animal est souvent attiré vers un point : abreuvoir, zone d’ombre, éléments géographiques, buttes, buissons.

Sans être un spécialiste en éthologie (étude du comportement animal) se pose la question : la querencia du toro n’est ‘elle pas simplement un acquis de l’enfance et sa transposition dans l’arène, une notion de territoire, plus qu’une programmation génétique.

La mise bas d’une vache se fait toujours à l’écart du troupeau, si possible avec un semblant d’abri : arbres, tousques. La mère lèche le veau, le goûte, s’imprègne de son odeur, idem pour le veau.

La première querencia étant ce périmètre olfactif qui s’agrandira avec l’âge et toujours avec la possibilité de réintégrer ce lieu protecteur sans oublier un autre sens le meuglement caractéristique à chaque veau et la réponse de la mère.

Au moment du médaillage, juste après la naissance du veau, il arrive que la mère maltraite celui-ci quelques instants car il porte une odeur inconnue (celle de l’homme).

Dans le cas des chevaux, il existe une pathologie des « poulains imprégnés », l’administration des premiers soins et l’aide à la première tétée primordiale (colostrum * ) entrainent souvent des retards à l’acquisition de la station debout voire plus tard au bout d’un an, un retard social par rapport au groupe et une méfiance accrue envers l’homme : perte de la querencia olfactive naturelle ?

Au moment du démérrage, c'est-à-dire quand on sépare entre six et huit mois le veau de la mère, la référence olfactive n’existe plus (première querencia), le veau est seul malgré le groupe. Il faudra reconstruire un autre monde, chercher un endroit plus calme, plus odoriférant, un lieu de sécurité comme avec votre mère, là où vous savez que vous pouvez revenir et gare à celui qui s’interposera entre ce point et vous.

Un peu plus tard, en changeant de clos, de champ avec six ou huit compagnons, le dépaysement déterminera de nouveaux lieux, prés de l’abreuvoir ou d’un pilier que vous pourrez d’ailleurs partager avec un autre (situation dans les corrales).

Plus tard dans l’arène, élément rond et clos, c’est le torero qui étudiera les querencias choisies par le toro. Les vaches comme certains cervidés sont des animaux cachés pour mettre bas et dissimuler leur veau les premières 48 heures.

Ces derniers augmentent la distance avec leur mère en prenant de l’âge au profit de la notion de groupe ; il existe de véritables nurseries au campo sous la surveillance d’une seule vache. Ceci peut également expliquer l’instinct grégaire du troupeau par rapport à un lieu.

Chaque fois qu’un toro se retrouvera dans un lieu nouveau et qui plus est en situation d’affrontement, il recherchera systématiquement un point d’appui pour l’offensive (toro brave), une querencia (défensive pour le toro manso).


Jacques Lanfranchi

eL kALLISTA

16 novembre 2018



  1. Claude Popelin : Le Toro et son Combat

    * vitamines, minéraux et imuno-globuline

 

 

 

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  • Site de Jacques Lanfranchi, "El Kallista"., aficionado écrivain . Membre de l'UBTF, Archiviste des AMIS DU MUSEE TAURIN D'ARLES, il publie ici des textes historiques, d'actualités et d'humeur! La Tauromachie, mais pas que, vous trouverez ici des références musicales, cinématographiques et sociétales mais toujours adaptées à sa passion : le monde des taureaux! Belle découverte Bonne lecture
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